7 Nisan 2015 Salı

100 ans avant, 100 ans après




100 ans avant, 100 ans après

"Le monde était si récent que beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt."

Gabriel García Márquez
Cent ans de solitude

Nous sommes dans l’obligation d’admettre qu’il est désormais trop tard pour sauvegarder maintes choses. Nous avons perdu cette grande occasion... Savoir vivre et produire ensemble fut disparu avec les premiers migrants. Ceux qui sont partis en premier ont aussi emmené leur conscience avec eux. Pourtant, il fallait dès le départe mesurer l’importance de la situation.

100 ans plus tard, les “guerres de mémoire” sont désormais sujettes à toute sorte de manipulation. Mais également, la mémoire est une des conditions sine qua non de notre retour à nos innocences. Ignorée par ceux qui n’ont que les trophées de guerre comme actualité, seule preuve des conquêtes morales. Beaucoup plus que des pierres, des murs, des terres. C’est toujours une possible méthode de thérapie et de négociation : la mémoire.

Partageant une même géographie, les Arméniens et les Turcs étaient deux cultures anciennes qui produisirent et évoluèrent pendant plus de mille ans dans un contexte d’échange continuel. La solitude centenaire de ces deux cultures aboutit non seulement à une isolation démographique mais aussi à une catastrophe culturelle innommable, irréparable. Ceux qui furent condamnés aux cent ans de solitude n’eurent pas de deuxième chance sur la Terre.

Tels les membres perdus d’une famille éparpillée, les Arméniens, et les Turcs se cherchèrent pendant tout le siècle dernier en utilisant des itinéraires différents, et à chaque occasion ils parlèrent les uns des autres.

Si j’avais vécu il y a 100 ans, j’aurais probablement eu le même propos qu’aujourd’hui et que j’aurais porté l’affaire au delà d’un règlement de compte politique. Mais alors qu’est-ce qui fait que, juste 100 ans plus tard, je garde toujours le même propos?

Un siècle perdu.

Le génocide arménien; beaucoup plus qu’un mot, qu’un calendrier, qu’une politique, qu’une négociation, qu’une terminologie, qu’une stratégie, que des dommages et intérêts, il s’agit d’un traumatisme irréparable de deux vieux peuples appartenant à une même civilisation. La question est aussi psychologique que politique. Une thérapie sur ce “syndrome centenaire de manque” est alors une nécessité. Tous les Arméniens et les Turcs ayant la conscience du sujet ont le sentiment d’avoir cent ans aujourd’hui.

C’est pour cette raison que, dans le cadre de l’exposition “100 ans avant 10 ans après” je ne m’intéresse ni à ce qui se passa il y a cent ans ni à ce qui se passera dans cent ans, mais au combat créateur que les générations vivant dans ce paradoxe mènent contre le temps. Avec les histoires de ceux qui se vouent au siècle perdu, avec nos histoires.


Hiç yorum yok: